Routes meurtrières

Publié le par huguettedreikaus

Je me souviens de quelques accidents mortels. C’étaient des chutes à vélo et des tragédies agricoles : voiture à foin renversée, attelage de chevaux en furie, chute du cerisier ou du fenil. On mourait écrasé ou avec le coup du lapin. –S’Gnick abgstirtzt. Le coup du lapin était la cause de mortalité numéro un des accidentés de mon enfance. Avant l’arrivée des voitures.

Le premier accident de voiture de mon village a eu lieu dans les années 20 et a coûté la vie à un frère de mon oncle Xavier, dit Verele. Verele m’en parlait toujours comme pour faire une catharsis. Son frère est mort des milliers de fois dans les anecdotes qu’il me racontait à mon réveil. La chose était incompréhensible pour lui. Parce que trop neuve. Il aurait admis que son frère meurt à la guerre, au cours d’une bagarre ou à cause d’une chute, mais pas dans une automobile. La mort dans cet engin n’est pas rationnelle parce qu’elle n’a pas de responsable direct. « Werisch Schuld ? » (Qui est responsable ?) Celui qui a construit l’automobile ? Celui qui la conduit ? Celui qui a osé en être le passager ? L’arbre qui se trouvait là ? Ceux qui restent ont besoin de réponses, sinon ils ne peuvent pas faire le deuil de ceux qu’ils ont perdus. Toutes les familles de victimes de crash d’avion pourront le certifier.

Quatre-vingts ans après ce premier drame, rien n’a changé dans la perception de l’accident. On continue à mettre une croix commémorative sur les lieux. Comme pour conjurer le mauvais sort. Comme pour éviter aux autres de périr en ces « points noirs ». Comme si le destin lui-même prenait le volant dans certains cas. 

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