Les communiantes

Publié le par huguettedreikaus

J’étais une petite fille de neuf ans quand j’ai connu ma première grande émotion religieuse. J’allais, pour la première fois, recevoir le corps du Christ. On m’avait préparée à cette fête de façon particulière.

Il y eut d’abord l’achat d’une voiture, une Simca verte. Maman m’avait dit : « Avoir une voiture est un privilège, peut-être même un péché. » Notre premier voyage fut donc à Lourdes, pour dire à la Sainte-Vierge que notre modestie était intacte, pour lui demander de bénir notre auto et dédier le moteur au saint patron des moteurs, les roues au saint-patron des roues, les passagers à Saint-Christophe, à saint Gabriel et, bien entendu, à saint Antoine. Une fois la voiture blindée par les actions de grâce, le sacrifice de centaines de cierges, on s’occupa de m’acheter un chapelet pour ma première communion, un missel bleu et un livre de lectures bibliques, bleu également et estampillé « souvenir de Lourdes ».

Pour symboliser ma pureté, maman avait mis de côté une robe offerte par une riche dame d’Amérique. Une splendeur en tissu arachnéen. Rien à voir avec les robes d’organdi duveté des autres. J’avais une robe de princesse, une couronne de fleurs blanches en tissu satiné et, comble du raffinement, des gants blancs en nylon transparent. Mais j’avais certainement commis, avec tant d’élégance, un grave péché d’orgueil, car, pour ma petite communion, le Bon Dieu me prit ma grand-mère. Je ne sais pas si les premières communions sont fatales dans toutes les familles. Deux mois après celle de mon fils aîné, c’est sa grand-mère qui mourait. Ma maman.

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