Les asperges de Hoerdt

Chaque année, aux mois d’avril et de mai, Hoerdt devenait un lieu de pèlerinage pour les villages environnants. On venait y consommer l’asperge, un légume miraculeux, presque le fruit d’une parabole évangélique, du genre : « Cherche la plante faite pour ton sol, n’hésite pas à parcourir le monde entier pour la trouver et Dieu te récompensera comme il a récompensé celui qui a fait fructifier son talent d’argent dans un sol aride. » Tudieu ! que le sol de Hoerdt était aride, sec, rugueux, rétif à toute exploitation agricole. D’ailleurs, le vieux mot –Herr- désigne ce genre de terrain propice au seul pâturage d’animaux anorexiques. Mais la terre de Hoerdt est devenue une terre où coule le lait et le miel. Grâce au pasteur Heyler. L’homme de Dieu ne s’est pas seulement occupé des âmes, il a aboli la pauvreté sur ce petit coin de terre isolé dans de riches surfaces bénies par le loess. Le pasteur a introduit l’asperge salvatrice, légume rare et cher.

Pour nous, gens simples, l’asperge était un luxe qu’on s’autorisait une fois l’an, au terme d’une excursion familiale à Hoerdt. Une botte. On a mangeait sans viande ni jambon. Le plaisir pur de l’asperge sucée jusqu’au bout de sa chair délicieuse. Un bonheur annuel, répété de récolte printanière.